(Cette version, en français, est la version originale)
Face aux attaques issues de la globalisation néolibérale, une communauté universitaire engagée
Dès les premiers jours de sa présidence, Donald Trump exprima sa volonté de contrôler les programmes de recherche susceptibles de recevoir des crédits fédéraux et de restreindre la diffusion des résultats de grandes agences fédérales comme l’Agence pour la Protection de l’Environnement (EPA). Rapidement, il prit de premières décisions en ce sens. Quelques années auparavant, Stephan Harper, premier ministre du Canada de 2006 à 2015, avait ouvert la voie. En Turquie, les universitaires sont l’une des cibles prioritaires de la répression contre toute opposition à Recep Tayyip Erdogan. De tels comportements autoritaires constituent une régression inquiétante pour la communauté universitaire, la science et la démocratie.
Dans le même temps, partout dans le monde, l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) subissent des transformations profondes qui s’accompagnent d’un recul des libertés universitaire, scientifique et professionnelle. Cette dynamique délétère s’opère sous la pression d’un nouveau mode de direction et de gestion de l’ESR. Il s’agit d’orienter toujours plus la production et la diffusion du savoir et des techniques vers la satisfaction des demandes des entreprises et vers la défense de la compétitivité économique des territoires nationaux ou régionaux. Il s’agit aussi de soumettre le savoir à des processus marchands et d’appliquer le principe de la concurrence à tous les niveaux de l’ESR. La conséquence est une évolution de la nature même de l’ESR et de son rôle dans la société au détriment du développement des connaissances, de la vie démocratique et de la capacité à résoudre les problèmes auxquels l’humanité est confrontée.
Avec la globalisation des marchés et les problèmes environnementaux, les interactions entre les nations et les enjeux mondiaux ont acquis une importance majeure. L’humanité est confrontée à une interdépendance croissante. La recherche et l’enseignement supérieur ont un rôle majeur à y jouer, consistant notamment à :
– Analyser et comprendre cette interdépendance et diffuser les résultats dans la société ;
– Contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de solutions aux problèmes sociaux, sanitaires, environnementaux et démocratiques, allant d’avancées technologiques appropriées jusqu’aux transformations du système économique, social, culturel et politique.
Aujourd’hui, cette ambition n’est pas celle des gouvernements. Ainsi, si la contribution de l’ESR à la protection de l’environnement est le plus souvent au centre de la communication politique, par exemple celle de l’Union européenne, cette contribution est subordonnée dans les faits aux demandes des entreprises transnationales et aux objectifs de compétitivité des territoires. Dans ce contexte, l’apport de l’ESR à la vie démocratique, à la pensée critique, à la diversité des réflexions, des approches et des propositions est de plus en plus délaissé.
Nous, organisations signataires du présent appel, ne nous résignons pas à cette situation. C’est pourquoi nous prenons l’engagement d’œuvrer ensemble à un approfondissement des analyses de la situation de l’ESR et de ses évolutions ainsi qu’à une exploration des causes et des conséquences, en particulier en termes de responsabilité dans l’affaiblissement de la démocratie, l’expansion hégémonique de l’idéologie néolibérale et la progression d’idées, de pratiques et de partis d’extrême droite. Nous nous engageons à élaborer ensemble des propositions, articulant les niveaux international, régional, national et local, allant du rôle de l’ESR dans la société et dans le développement des connaissances aux statuts et conditions de vie et de travail des personnels et des étudiants, propositions que nous promouvrons ensemble et pour lesquelles des rapports de force seront à construire.
Nous appelons les personnels de l’ESR, les étudiants, les citoyens et les organisations progressistes à s’emparer de ces questions. Concevoir et mettre en œuvre de nouvelles politiques d’enseignement supérieur et de recherche, aux antipodes de celles qui se développent depuis plusieurs décennies, est une condition nécessaire pour relever les défis rencontrés par l’humanité.
De suite nous affirmons la nécessité d’un ESR, bien commun de l’humanité, reposant sur les principes de :
– Collégialité ;
– Démocratie universitaire impliquant la participation de tous les acteurs de l’ESR ;
– Coopération ; – Libertés universitaire, scientifique et professionnelle ;
– Élimination de toutes les barrières financières d’accès à l’ES ;
– Développement, partage et diffusion des connaissances dans tous les domaines ;
– Responsabilité dans la vie démocratique ;
– Responsabilité dans la formation citoyenne ;
– Responsabilité dans la résolution des défis ou problèmes rencontrés par l’humanité.
Concrètement, nous appelons à :
– La solidarité de tous les artisans de l’ESR ;
– Un enseignement supérieur accessible et de qualité pour toutes et tous ;
– Une forte réduction de la précarité et la création d’emplois permanents ;
– Une importante augmentation des financements publics directs et récurrents de la recherche en vue de conforter les libertés scientifiques et d’appuyer le développement des connaissances et le progrès scientifique et humain ;
– Mettre un terme à l’austérité qui frappe plus particulièrement le vaste champ des arts, lettres, sciences humaines et sociales ;
– Développer la culture du débat et de l’action collective.
Nous nous engageons à échanger et mutualiser sur les résistances, les mobilisations et les germes d’alternatives et à nous mobiliser ensemble :
– Pour la ou les journées d’action mondiales contre la privatisation et la marchandisation organisées par l’Internationale de l’éducation (IE) ;
– Dans la Campagne mondiale contre la précarité dans la recherche scientifique, entrave au progrès scientifique et humain, organisée par la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques (FMTS), en particulier lors de la journée mondiale d’action tenue le 15 mars de chaque année ;
– Dans les actions contre la précarité organisées par l’IE ;
– Pour des États généraux nationaux de l’ESR, déployés sur plusieurs années dans chacun de nos pays respectifs et pouvant s’inspirer des États généraux en cours au Québec (2013 à 2018).
Liste des signataires, en date du 4 décembre 2017 :
ACOD Onderwijs (Belgique)
CGSP- Enseignement (Belgique)
FQPPU (Québec – Canada)
FNEEQ (Québec – Canada)
SNCS-FSU (France)
SNESUP-FSU (France)
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