Suite au décès de Johannes Martin-Godbout, première femme éditorialiste du journal Le Droit et militante de la première heure du SCCC-UQO, nous avons décidé de republier un de ses articles paru en 1995 dans Le Papier, ancien journal du SCCC-UQO.
Même monsieur le ministre Jean Garon mêle sa voix rauque et sympathique à ce concert en visant à rehausser la qualité et l’efficience de nos vénérables institutions d’enseignement supérieur. Bien que tout le monde y passe, rendons à César ce qui lui revient.
L’histoire
En ses premières heures de gloire, monsieur le Ministre fut membre d’un gouvernement qui osa pénétrer l’enceinte sacrée du monde de la liberté universitaire pour y mettre de l’ordre budgétaire et y rationaliser les opérations. Une des solutions de l’époque consista à institutionaliser le recours aux fameux chargés de cours, une main d’œuvre tampon, bien moins coûteuse que celle des corps enseignants traditionnels et, surtout, jetable après usage.
Le contexte
Cette espèce d’hallali des chargés de cours s’élève au moment exact où les ressources se raréfient, quand elles ne tarissent pas littéralement. En effet, le financement gouvernemental est réduit. Simultanément, la clientèle étudiante diminue pour une longue liste de motifs qu’on ose trop reconnaître officiellement cependant qu’on tente de les combattre avec plus ou moins de succès. On fait donc face à un véritable casse-tête chinois à l’heure de sauver les meubles. Ainsi recherche-t-on la voie d’une exploitation maximale des ressources internes, peut-être d’une protection à toute épreuve de l’établissement, certainement d’un équilibre optimal entre le personnel enseignant permanent et les professeures(eurs) à temps partiel. Aussi légitime que soit cette démarche, il n’est pas nécessaire, pour autant de nier d’une façon ou d’une autre l’apport des chargés de cours.
La contribution des chargés de cours
D’entrée de jeu, reconnaissons que parmi ces chargés de cours, l’on en trouve de plus et de moins consciencieux comme partout ailleurs. Par contre, en toute honnêteté, nombre d’entre eux ont contribué et contribuent encore à tenir à flot nos institutions de haut savoir. Sans eux, une multitude de cours n’auraient pas pu être offerts, ne le seraient pas plus de nos jours ou encore, ils le seraient dans des conditions qui ne favorisent aucunement l’apprentissage. Il est donc ici utile de rappeler la contribution des chargés de cours à l’échafaudage de l’université moderne.
Ils s’en trouvent également et beaucoup plus que ne le laisse entendre le discours actuel, qui prennent à cœur leur travail et le succès de leurs étudiants. Pédagogie, mise à jour des cours, révision bibliographique, disponibilité, suivis, discussions critiques entre collègues sur le contenu des programmes ou la façon d’enseigner telle ou telle matière font partie de leur lot quotidien.
Obligés d’être à date dans l’exercice de leur profession respective, ils le sont habituellement aussi dans leur enseignement. Aux faits de ce qui se passe dans la « vraie vie » et ayant intégré la théorie depuis belle lurette (quand ils ne doivent pas mettre à l’épreuve et sur le champ les nouveautés en leur domaine) ils savent souvent illustrer la matière, la rendant ainsi plus accessible, et mettre les étudiants en garde contre les illusions du savoir. Au demeurant, ils s’en font d’ailleurs un devoir, trop conscients qu’ils sont des embûches guettant les futurs diplômées(és).
Au sein d’organismes se piquant d’être à l’écoute de leur milieu et même d’y être intégrés, les chargés de cours sont, de fait, des représentants de ce milieu. Qui plus est, certaines et certains d’entre eux y sont influents et, et ne cachant pas leur titre de chargé de cours, ils contribuent aussi à apporter à l’université un peu de ce rayonnement tant recherché. Bien que l’on dédaigne à l’occasion leurs travaux, certaines et certains poursuivent effectivement des recherches dignes de ce nom et même… publient (Hé oui!) à l’intérieur des cercles professionnels où les normes d’éthique de rendement et de livraisons des résultats promis sont élevées.
En général, les chargés de cours ne sont pas des colporteurs de leçons transportant sans ménagement leurs notes dans leur porte-document, ni des professeurs de seconde zone dont la seule présence et les prestations nuisent invariablement aux étudiants. Que César se rassure donc et s’en convainque : dans ce débat, il faut lui rendre ce qui lui est dû, lui reconnaître honnêtement sa place et sa contribution, comme aux autres composantes permanentes de nos vénérables institutions.
Johannes Martin-Godbout
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