OPINION – Il y a donc un siècle jour pour jour, soit le 28 septembre 1921, le Congrès des unions nationales catholiques prenait fin à Hull. Sans le soupçonner d’aucune manière, les délégués venaient de jeter les bases de ce qui allait devenir, au début des années soixante, la Confédération des syndicats nationaux (CSN).
D’inspiration catholique au départ, sous la férule de Marcel Pepin, cinquante ans plus tard, la CSN allait prendre un virage idéologique majeur et radical en adoptant la grille d’analyse marxiste. La CSN est probablement l’organisation syndicale qui a effectué, tout au long de son premier siècle d’existence, le plus grand nombre de virages idéologiques. À ses débuts, elle adhère à la doctrine sociale de l’Église. Durant les années quarante, elle met au poste de commande un programme inspiré du corporatisme en vigueur dans certains pays d’Europe de l’Ouest. Hostile jusqu’à la fin des années trente à l’interventionnisme étatique, elle accueillera, au début des années quarante, la mise en place du programme fédéral d’assurance chômage comme une mesure nécessaire pour soulager la misère ouvrière. Dans les années cinquante, le président Gérard Picard s’interrogera sur la portée et les conséquences de l’automatisation et des changements technologiques au sein des entreprises. Sous la présidence de Marcel Pepin, c’est l’autonomisation sociale et politique de la classe ouvrière qui devient une priorité. La lutte syndicale doit déborder le cadre de la revendication économique au sein de l’usine. Les revendications des salariéEs doivent également porter sur des enjeux sociaux, politiques et culturels. C’est, en 1968, l’ouverture du « Deuxième front ». Durant la décennie des années soixante, la syndicalisation dans les secteurs public et parapublic permet à la centrale syndicale d’accroître, de manière importante et significative, son nombre d’adhérentEs. La crise du début des années quatre-vingt amochera fortement la CSN. L’affrontement entre les salariées syndiquées des secteurs public et parapublic et les nombreuses fermetures d’usine auront pour effet d’amener les dirigeantEs de la centrale à un recentrage idéologique majeur. Il y aura certes la voie de la concertation qui gagnera des adeptes, mais une autre voix réclamera une représentation politique des femmes au sein des postes de direction de la centrale et une prise en charge des revendications féministes lors des négociations dans les entreprises ou avec l’État. « Partenariat » ou (et) « Syndicalisme combatif et d’opposition » sont toujours deux pôles diamétralement opposés autour desquels se tranchent certaines décisions importantes au sein de cette organisation qui est maintenant dirigée, pour une deuxième fois en cent ans, par une femme. Il s’agit de Caroline Senneville[1].
Les enjeux qui nous confrontent et qui nous interpellent sont nombreux et exigent des solutions innovatrices inédites. La société bien-pensante aime bien juger de haut le milieu ouvrier, la classe ouvrière, les salariéEs syndiquéEs. Sans le labeur de ces femmes et de ces hommes, notre société vivoterait dans un état de pauvreté qui voisinerait l’indigence. Pour assurer la dignité de la force de travail, la société a besoin du syndicalisme. La CSN est une organisation humaine. Elle a ses forces et ses faiblesses. Ses qualités et ses défauts. Longue vie à la CSN!
Yvan Perrier
Chargé de cours
Relations industrielles
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