OPINION
Mon ami Denis Choinière (1950-2022) vient tout juste de décéder.
C’est à l’occasion d’un congrès de la FNEEQ-CSN que je l’ai rencontré une première fois en 1982. 1982, l’année de la crise aux dimensions multiples accompagnées de nombreux virages qui en ont découlé. C’est dans ce contexte que ce professeur de mathématiques du Petit Séminaire de Québec allait s’impliquer plus à fond dans le militantisme syndical. Denis Choinière s’est engagé dans la négociation des syndicats de l’enseignement privé dès 1978. Il a ensuite été élu Secrétaire-général de 1983 à 1988 et ensuite Président de la FNEEQ-CSN de 1988 à 1995.
La crise du début de la décennie des années quatre-vingt a été profonde. Elle a été suivie par l’adoption de la mise en place par les gouvernements des pays développés de politiques d’inspiration néolibérales. Dans ses grandes lignes, ces politiques s’incarnent dans les quatre éléments suivants : la lutte prioritaire à l’inflation au détriment du chômage ; la multiplication des traités de libre-échange ; la réduction de la taille de l’État et, last but not least, l’affaiblissement du mouvement syndical. Après les Trente glorieuses, place aux années douloureuses…
Denis Choinière était un mathématicien dans l’âme. Il était souvent habité par une volonté de résoudre les problèmes. Volonté qu’il a appliquée à certains aspects du monde syndical et qui en a fait un redoutable stratège.
Durant son passage à l’exécutif de la FNEEQ-CSN Denis Choinière a contribué à la mise en place des regroupements cégeps et chargéEs de cours ; il a travaillé à l’intégration de deux collèges privés dans le réseau public (Le Cégep Beauce-Appalaches et le Cégep Marie-Victorin) ; il a piloté l’intégration du département de musique dans le Cégep Saint-Laurent ; il a accompagné le Syndicat des chargéEs de cours de l’Université de Montréal dans leur longue saga judiciaire pour leur reconnaissance syndicale d’abord et la négociation de leurs premières conventions collectives ensuite ; après les décrets de 1982-1983 dans le réseau collégial, il a mis l’épaule à la roue pour faire hausser en 1989 les effectifs de plus de 300 enseignatEs à temps complet ; il s’est profondément engagé dans la campagne de syndicalisation des étudiantEs chercheuses et chercheurs de l’Université Mc Gill ; c’est lui qui a effectué les démarches auprès du ministre de l’Éducation de l’époque pour obtenir la déjudiciarisation du dossier de la qualité de l’air au cégep du Vieux Montréal ; il a aussi participé à la tentative de syndicalisation des musiciennes et des musiciens du Métro de Montréal, etc..
Denis Choinière était très conscient que la lutte syndicale ne pouvait pas se confiner aux seules revendications en lien avec les conditions de travail et de rémunération. Cette lutte devait aussi porter sur des enjeux sociaux et politiques. Il pratiquait un syndicalisme de type social, militant et également de mouvement social.
Il était un anti-bureaucrate et surtout un anti-establishment. Il ne voulait pas d’un monde fait uniquement pour les grandEs de ce monde.
Je retiens de lui que le monde se divise en deux. Il y a, dans un premier temps les croyantEs et dans un deuxième temps les autres. Je vais garder de lui le souvenir d’une personne qui aimait rire.
Yvan Perrier
Chargé de cours en relations industrielles
UQO
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