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OPINION – Les nouvelles en provenance du monde scolaire sont franchement désespérantes. Limitons-nous à ne mentionner que deux problèmes criants pour illustrer l’ampleur d’une inacceptable catastrophe : la pénurie d’enseignantEs et les classes surchargées.

Ces deux problèmes sont, à eux seuls, l’expression d’un problème de taille beaucoup plus considérable. Quel est ce problème ? Nous assistons en ce moment à quelque chose qui s’apparente à la renonciation, en haut lieu, de l’éducation en tant que priorité nationale. C’est d’une tristesse déroutante et déconcertante. Inutile de désespérer, car à partir du dimanche le 28 août nous entrons officiellement en élection générale au Québec. Inutile de désespérer, vraiment ?

Qui veut toujours enseigner ?

Nous sommes en 2022-2023. Nous vivons dans une société dite d’abondance. Les coffres de l’État débordent. Il y a eu récemment une négociation entre le gouvernement et les leaders syndicaux du monde de l’enseignement élémentaire, secondaire et collégial. Nous avons, il y a deux semaines, entendu le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, affirmer qu’il avait réglé le problème de la pénurie de main-d’œuvre enseignante grâce au « mentorat ». Pourtant, le manque de personnel enseignant est la preuve que ce secteur d’activité supposément essentiel à notre vie collective est sous-financé et que la profession enseignante n’est pas rémunérée à la hauteur de sa valeur réelle. Il n’est pas normal qu’une société développée comme la nôtre connaisse une pénurie d’enseignantEs. Mais qui est volontaire pour aller enseigner dans des classes surchargées et ce dans des édifices ventilés mécaniquement ou mal aérés en échange d’un salaire qui n’est pas à la hauteur des qualifications requises et qui n’est même pas pleinement indexé ? Qui veut enseigner dans des bâtiments souvent contaminés et en décrépitude où aux humains s’ajoutent la présence d’indésirables vermines ? Combien reste-t-il de professionnelLEs de l’enseignement dans les rangs après cinq années d’expérience ou après plus de 30 ou de 35 années d’exercice de la profession ? En ce début d’une nouvelle campagne électorale et à quelques mois d’une nouvelle ronde de négociations dans les secteurs public et parapublic, il nous semble que des données relatives à l’expérience du personnel enseignant toujours en poste, à l’entrée comme à la sortie, devraient être rendues publiques.

À quand la fin de l’ère du « Faire plus avec moins » ?

Le ministre de l’Éducation et sa collègue de l’Enseignement supérieur sont terriblement absents de la scène pour commenter la situation et surtout pour trouver des solutions concrètes et applicables dans un court délai. Pour ce qui est de la riposte syndicale, elle n’est pas à la hauteur de la situation qui sévit sur le terrain. Le sera-t-elle au cours des prochains mois ? Il va bien falloir un jour l’admettre, c’est depuis au moins la ronde des décrets de 1982 que cela ne va pas toujours rondement en éducation. Qu’on nous comprenne bien, il y a eu au cours des quarante dernières années certains gains qui ont été réalisés en faveur des enseignantEs et des professeurEs, mais ces gains ne font pas le poids par rapport aux reculs imposés durant ces longues années caractérisées par le néolibéralisme ou si vous préférez l’ère du « Faire plus avec moins ». La pratique enseignante aujourd’hui s’effectue dans un contexte très différent de celui des années soixante-dix. La tâche s’est nettement alourdie, plusieurs étudiantEs ont des besoins particuliers et les ressources disponibles pour répondre à ces besoins s’avèrent insuffisantes. Pas étonnant que nous assistions non seulement à un manque de personnel à l’entrée de la profession, mais également à des démissions précoces et à des retraites prématurées.

Conclusion : Un badinage déplacé

Cette rentrée 2022-2023 s’est produite au même moment où le premier ministre du Québec, François Legault, s’est amusé à se comporter comme si nous étions en période électorale. Sa formation politique et les autres représentées à l’Assemblée nationale agissent dans le plus grand irrespect de l’esprit des élections à date fixe. La classe politique se livre à un curieux jeu de badinage déplacé. Nos dirigeantEs politiques ont plus la tête à la fête et à la fièvre électorale qu’à trouver des solutions susceptibles de résoudre les problèmes qu’ils ne veulent pas voir. Pas étonnant que ça aille mal et même très mal et, ceci dit, pas uniquement en éducation. Préparons-nous, car au cours des prochaines semaines nous allons les entendre nous dire qu’ils ont réalisé des miracles au cours des quatre dernières années et qu’ils ont la solution à nos problèmes pour les quatre prochaines. C’est d’une tristesse à nous faire désespérément et complètement déchanter.

Yvan Perrier
Chargé de cours au Département de relations industrielles