fbpx
819 773-1692 accueil@sccc-uqo.ca

Une évaluation des résultats qui se fera à l’aune de « la loi de l’offre et de la demande »

Je dédie ce texte aux personnes salariées qui occupent un emploi
à statut précaire dans les secteurs public et parapublic.

OPINION – En cette période caractérisée, entre autres choses, par la flambée inflationniste et la pénurie de main-d’œuvre, il va de soi que les résultats qui seront issus en 2023 de la libre contractualisation entre les employeurs (privés et publics) et les organisations syndicales seront évalués principalement à l’aune des gains – ou des pertes – en regard des augmentations salariales, des avantages sociaux, du régime de retraite et également du statut à l’emploi.

2023 : L’année des négociations dans les secteurs public et parapublic au Québec

Les conventions collectives dans les secteurs public et parapublic arriveront à échéance le 31 mars prochain.  Les négociations dans ces deux secteurs qui embauchent environ 600 000 salariéEs syndiquéEs (à environ 75% des femmes) ne devraient pas s’éterniser comme ce fut le cas lors de la ronde de 2019-2020 qui s’est échelonnée jusqu’en 2022.  Les demandes syndicales se situent dans un horizon d’un contrat de travail d’une durée de trois ans et visent principalement un rattrapage salarial et une protection du pouvoir d’achat face à une inflation à la hausse.  (Parenthèse : au fait, de quelle protection du pouvoir d’achat s’agit-il?  D’une « pleine » ou d’une « certaine » protection?  Là est la question comme dirait l’autre.)

L’offre gouvernementale, comme c’est le cas depuis 2003, prévoit une convention collective d’une durée d’au moins cinq ans accompagnée d’une proposition d’augmentation salariale qui perpétue la dévalorisation du travail des salariéEs syndiquéEs.  En clair, l’offre du gouvernement Legault à ses salariéEs syndiquéEs correspond à rien de plus qu’un rachitique 9% d’augmentation salariale sur 5 ans. Soit 3% la première année et 1,5% pour chacune des années suivantes. Le montant forfaitaire de 1000$, prévu à la première année du nouveau contrat de travail, ne sera jamais inclus dans l’échelle salariale.  Il est donc faux de prétendre que l’offre salariale du gouvernement à ses salariéEs syndiquéEs s’élève à « 13,5% sur 5 ans »[1].  Ce pourcentage est le résultat d’une addition qui mélange des pommes et des oranges et ne s’appliquera pas à la totalité des 600 000 salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic.  Morale de cette histoire : il n’y a pas que les magicienNEs qui aiment créer des illusions.

Des interrogations en lien avec la possible riposte syndicale?

Sur le plan salarial, les demandes syndicales sont aux antipodes de l’offre du gouvernement.  Se pose dès lors un certain nombre d’interrogations, dont les suivantes : de quoi sera faite la présente ronde de négociation?  Sera-t-elle mouvementée ou calme?  Peut-on s’attendre à une réédition de la crise sociale du Front commun intersyndical CEQ-CSN-FTQ des années 1971-1972?  La riposte syndicale québécoise sera-t-elle comparable à celle qui s’exprime en ce moment dans certains pays européens?

Une négociation avec l’État-patron et l’État-législateur qui se déroulera dans une nouvelle conjoncture économique

Il n’est pas question pour nous de jouer au devin.  Nous préférons adopter une position moins risquée et puisqu’il en est ainsi nous décidons tout bonnement d’attendre le déroulement des choses pour être en mesure de mieux constater après l’événement.  Quoi qu’il en soit, nous pouvons hasarder que les résultats de la présente ronde de négociation seront nécessairement évalués en prenant en considération certaines variables en lien avec la présente conjoncture économique, comme l’incontournable « loi de l’offre et de la demande ». 

La pénurie de main-d’œuvre et le taux de chômage bas devraient jouer en faveur des syndicats.  Mais, il ne faut pas oublier la nature de l’employeur ici qui négocie avec les huit organisations syndicales (CSN, CSQ, FTQ, APTS, FAE, FIQ, SFPQ et SPGQ).  L’État-patron est aussi, faut-il le rappeler, l’État-législateur.  L’État (patron ou législateur) est nécessairement un très mauvais joueur.  Il a les moyens de diviser et d’imposer sa rationalité à ses vis-à-vis.  Il aime, par-dessus tout, toujours se donner raison, quitte à le faire par un moyen brutal comme mettre un terme à des choses qui, à ses yeux, traînent en longueur.  Voilà pourquoi, en certaines circonstances, il suspend les règles du jeu en vigueur et adopte une loi spéciale comportant de très lourdes sanctions en vue de réduire à néant le désordre ambiant ou qu’il anticipe.  Il importe aussi de rappeler que les membres de la classe dirigeante ne décodent pas la conjoncture de la même manière que les leaders des organisations syndicales.  Pour les membres de l’équipe ministérielle, il est plus important de décrire la réalité sous un angle plutôt sombre du genre : « Nous sommes les plus taxés en Amérique du Nord » (ce qui est faux); « Il y a des risques d’une récession »; « Il ne faut pas que les augmentations salariales nous précipitent dans une spirale inflationniste » et ainsi de suite…

Il y a belle lurette que les augmentations salariales dans les secteurs public et parapublic du Québec ne permettent pas, à certaines des personnes oeuvrant dans ces secteurs, de rattraper le coût de la vie.  Ici nous pensons aux salariéEs qui n’ont eu droit, depuis la fin des années soixante-dix du siècle dernier, qu’aux augmentations dites « paramétriques »[2] (les augmentations au pourcentage qui ont été négociées ou décrétées). 

Les coffres de l’État débordent de ressources monétaires en ce moment. Il y a une limite à voir ces sommes s’accumuler en raison de la sous-rémunération des employéEs syndiquéEs et à servir à baisser les impôts des particuliers ou à permettre au gouvernement Legault de réaliser certaines de ses promesses électorales en faveur de sa clientèle partisane. De plus, n’y a-t-il que les 100 dirigeants d’entreprises qui ont droit à des augmentations salariales stratosphériques?  D’autant plus que les entreprises dirigées par ces hommes, qui ont un mode de vie ostentatoire et fortement inflationniste, reçoivent de généreuses subventions gouvernementales.  Il faut se rappeler qu’en ce moment l’inflation est surtout mauvaise pour les personnes salariées alors qu’elle semble plutôt « bénéfique aux entreprises et à la rémunération des p.-d.g. »[3].

En préconclusion

Les finances publiques se portent plutôt bien depuis plusieurs années.  Il n’est plus question en ce moment de cadre financier « immuable » (comme cela avait été le cas lors de la ronde de négociation de 2003-2005 avec le gouvernement Charest) ou de mesures « d’austérité » ou de « rigueur budgétaire » de l’époque du gouvernement Couillard (en 2014-2015).  Les ministres Sonia Lebel, Christian Dubé, Bernard Drainville et Éric Girard vont probablement, au cours des prochains mois, nous farcir les oreilles d’insupportables expressions du genre : « Enveloppes fermées »; « Offre salariale responsable »; « Marge de manœuvre financière étroite »; « Pas de place pour une plus forte augmentation »; « Risque d’une récession »; « Lutte à l’inflation »; « Limite à la capacité de payer des contribuables » and so on…

Si la tendance se maintient, l’offre gouvernementale de décembre 2022 devrait être bonifiée.  De combien précisément?  Nous l’avons écrit plus haut, pas question pour nous de jouer au devin.  Là réside donc la surprise qui se dévoilera pour nous tous d’ici les prochains mois.  Mais, par-delà l’aspect salarial de ces négociations, il ne faut pas oublier ce qui se discutera autour de l’enjeu des emplois à « statut précaire » et des conditions d’accès à la retraite.  Il y a une limite à traiter les personnes qui se mettent au service de la collectivité comme des moins que rien n’ayant pas droit ou accès à un emploi permanent à temps plein qui donne droit à un salaire décent qui permet de gagner sa vie dignement.  Tout comme d’ailleurs, il y a une limite à imposer une période prolongée de travail forcé avant de pouvoir jouir des fruits et des usufruits du régime de retraite souvent – mais pas toujours – refaçonné, depuis 1982, à l’avantage de l’employeur, en l’occurrence ici l’État-patron.  Nous y reviendrons. 

Conclusion

Pour conclure, l’auteur des présentes lignes ne cesse de se demander depuis des décennies pour quelles raisons au juste les dirigeantEs des grandes organisations syndicales recommandent toujours systématiquement à leurs membres, à l’issue des rondes de négociations dans les secteurs public et parapublic, l’adoption d’une entente de principe qui correspond à quelques pourcentages près à l’offre salariale gouvernementale initiale qui a la particularité de ne jamais couvrir pleinement la hausse du coût de la vie.  Entente de principe qui, quand s’amorce la ronde de négociation suivante, est décriée, par ces mêmes dirigeantEs (ou les successeurEs), comme étant à la source de l’appauvrissement de leurs membres. 

Il nous semble que le moment actuel est plutôt bien choisi pour mettre enfin un terme à ce cycle douloureux et infernal qu’ont à supporter les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic du Québec. Sinon, si l’histoire continue à se répéter, il va falloir conclure que pour certainEs salariéEs syndiquéEs les négociations dans ces deux secteurs essentiels à notre qualité de vie en société participent également à un cirque médiatique intenable et surtout insupportable.

Yvan Perrier
Chargé de cours en relations industrielles

yvan_perrier@hotmail.com

Quelques données à se rappeler

· Moyenne salariale des employés et employées du secteur public du Front commun : 43 916 $ ;

· Retard salarial : -11,9 % ;

· Retard de rémunération globale : -3,9 % ;

· Pourcentage de femmes représentées par le Front commun : 78 %.

Source :

https://www.frontcommun.org/communique-font-commun-isq/. Consulté le 18 décembre 2022.