Yvan Perrier, chargé de cours en relations industrielles et membre du Comité de mobilisation du SCCC-UQO, nous propose une série de trois articles pour marquer le trentième anniversaire du Syndicat. Ceci est le troisième article.
« La politique fut d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde » -Paul Valéry
Tout n’est pas parfait en ce bas monde. Puisqu’il en est ainsi, nous devons continuer à revendiquer et à négocier nos conditions de travail et de rémunération. Nous devons aussi négocier notre place dans la structure décisionnelle et administrative de l’université. L’Université ne peut pas être uniquement une entreprise dont la gestion est concentrée en totalité dans les mains des seuls gestionnaires. C’est la collégialité entre les corps et les groupes qui la compose et la caractérise qui doit être au poste de commande dans les processus décisionnels.
Nous travaillons sans relâche depuis trente ans à définir notre place dans cette institution pour laquelle nous sommes une composante essentielle et structurelle fondamentale. Nous sommes maintenant autour de 70% de chargées et de chargés de cours à enseigner au premier cycle. De fait, à l’UQO, ce sont 69% des cours de premier cycle, 30% des cours de second cycle et 7% des cours de troisième cycle qui sont donnés par des personnes chargées de cours. En tout, ce sont 61% des cours crédités qui sont offerts par des personnes chargées de cours en 2020, selon les données recueillies par l’Université et transmises au Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQO.
La place que nous occupons au sein de l’UQO révèle une chose très importante en ce qui a trait à la dépendance de note employeur à notre sujet. Les enseignant.e.s contractuels ne sont pas une solution temporaire à un problème à court terme. Nous sommes une donnée structurelle de la gestion universitaire. Plusieurs parmi nous n’ont pas choisi la précarité ou les contrats d’enseignement. C’est le seul choix qui nous reste comme statut d’emploi pour enseigner à l’université.
Les quatre dernières décennies de néolibéralisme ont accéléré la tendance économique à remplacer les emplois stables par des emplois précaires et les emplois permanents bien rémunérés par des emplois temporaires, à temps partiel, occasionnels ou contractuels. Il y en a plusieurs parmi celles et ceux qui détiennent des diplômes de troisième cycle qui se voyaient avec ce fameux doctorat en poche, acquis après tant d’années de labeur, au haut de l’affiche avec le titre de professeur accolé à leur nom. Le sous-financement des universités et la faible création de postes à temps plein a eu pour effet d’en refouler et d’en maintenir plusieurs au bas de la liste…. Au départ, nous étions et sommes tours en partie des salarié.e.s atypiques. Plusieurs parmi nous vivent toujours dans l’incertitude à long terme concernant leur emploi. Nous ne formons pas une catégorie de salarié.e.s homogène. Il y a parmi nous des chargé.e.s de cours en simple ou en double emploi. Il y en a qui ont des revenus de travail qui peuvent être faibles ou élevés. Notre catégorie d’emploi est contrastée.
La question suivante se pose : que serait l’Université sans nous?
Il y a encore beaucoup à faire pour améliorer nos conditions de travail et reconnaître notre contribution à notre institution. Ce sera individuellement et collectivement que nous serons, au cours de la prochaine décennie, à la rencontre des défis qui nous confrontent. Nous aurons à négocier notre place dans l’ensemble des lieux décisionnels de l’université. Ces nombreux lieux où se prennent des décisions qui ont un impact sur notre place et notre rôle dans la mission première de l’université. En cette période caractérisée par une forte inflation, nous aurons à défendre nos acquis et nous assurer de maintenir la valeur de notre prestation de travail à sa valeur monétaire correspondante.
Nous prenons l’engagement de faire en sorte que l’université dans laquelle nous œuvrons ne soit pas uniquement celle des gestionnaires et du corps professoral. Les chargé.e.s de cours sont une composante structurelle et incontournable au bon fonctionnement de l’institution, l’UQO aura à mettre en place les changements requis pour notre pleine reconnaissance en toute justice et en toute équité avec les autres groupes présents dans l’institution.
Notre route est celle qui au départ était caractérisée par l’exclusion, au cours des trente dernières années notre lutte a été celle visant notre reconnaissance et l’amorce de notre pleine intégration…. Nous sommes une force collective qui est parvenue à faire reculer les frontières de l’exclusion et nous avons obtenu un début de reconnaissance à notre véritable intégration institutionnelle. Nos luttes ont permis, à coup sûr, l’amélioration de nos conditions de travail et de notre lien d’emploi. Reste maintenant à régler les autres problèmes par la voie de la négociation et des divers moyens à notre disposition…
Yvan Perrier, chargé de cours en relations industrielles
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