OPINION – Avec la proposition d’entente du conciliateur adoptée à 66% par les membres votants[1] de la FIQ, il est maintenant permis de dire que la ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic (SPP) qui s’est amorcée en automne 2022 et qui s’est étirée, pour certain.e.s syndiqué.e.s, jusqu’au mois d’octobre 2024, est maintenant complétée. On nous a annoncé, cinquante-ans après le premier Front commun de 1971-1972, que cette vingtième ronde de négociation entre l’État et les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP serait « historique ». En raison de la nature du règlement salarial, il est toujours trop tôt, selon nous, pour dresser le bilan de la négociation et nous expliquerons plus loin pourquoi il en est ainsi. Dans les lignes qui suivent, nous ne nous attarderons pas sur les concessions ou les compromis qu’ont eus à faire chacune des parties. Nous n’examinerons pas non plus les propositions du conciliateur qui est intervenu dans la négociation entre le Conseil du trésor et la FIQ. Nous laissons ce genre d’exercice aux parties directement concernées. Nous passerons également sous silence, faute de place, plusieurs aspects que nous avons l’habitude de traiter à la fin d’une ronde de négociation (voir à ce sujet l’annexe I au présent texte). Nous entendons plutôt nous limiter à un certain nombre de remarques critiques autour de l’entente de principe, de la FAE, du néolibéralisme, de la notion de l’histoire et sur d’autres sujets à la portée d’un observateur extérieur… Mais avant, quelques remarques sur le contenu de ce règlement.
1.0 Le règlement dans ses grandes lignes
Les grandes lignes du règlement sont maintenant connues. La convention collective sera d’une durée de cinq ans et les augmentations salariales minimales obtenues par les salarié.e.s syndiqué.e.s seront de l’ordre de 17,4% pour la période allant du 1er avril 2023 au 30 mars 2028. Une protection partielle contre l’inflation (comme cela a été le cas en 1986)[2], à la hauteur de 1% par année, pourra s’appliquer à certaines conditions pour chacune des trois dernières années du contrat de travail. Diverses primes salariales ou avancement accéléré dans les échelons ont été accordés par le gouvernement du Québec à certaines catégories de salarié.e.s syndiqué.e.s. Des ressources additionnelles auxquelles le gouvernement tenait tant ( comme l’aide à la classe) et des mesures dites de « flexibilité » (comme la mobilité de certain.e.s salarié.e.s en santé) s’appliqueront.
Outre l’aspect salarial, certains gains ont été obtenus au niveau monétaire comme : l’acquisition du droit à la cinquième semaine de vacances après 15 ans d’ancienneté (plutôt que 17 ans) et l’atteinte de la pleine cinquième semaine de vacances à compter de 19 ans d’ancienneté (plutôt que 25 ans); des améliorations au régime de retraite permettant la participation au régime jusqu’à 71 ans (au lieu de 69 ans comme c’est le cas actuellement) et la possibilité de prolonger l’entente sur la retraite progressive de cinq ans à sept ans (dispositions qui n’entreront pas en vigueur avant 2025 [pourquoi un tel délai?]); des contributions de l’employeur au régime d’assurance maladie sont maintenant un peu plus généreuses tandis que du côté des ouvriers spécialisés, la prime d’attraction et de rétention sera bonifiée et les psychologues profiteront d’une majoration salariale à la hauteur de 10%; enfin, pour ce qui est du régime des droits parentaux, il y a dans cette entente l’ajout d’une journée à la banque de congés spéciaux pour suivi de grossesse. Aussi, les disparités régionales restent inchangées, à une exception près (en faveur de la localité d’Oujé-Bougoumou en santé et services sociaux)[3].
Est-il nécessaire de rappeler que cette augmentation salariale de 17,4% sur cinq ans (accompagnée d’une protection partielle contre l’inflation) est à plusieurs lieues des revendications des huit organisations syndicales (APTS-CSN-CSQ-FAE-FIQ-FTQ-SFPQ et SPGQ) qui, soulignons-le, demandaient un contrat de travail d’une durée de trois ans[4] et une plus forte protection contre l’inflation. Il ne saurait faire de doute qu’une négociation portant sur les conditions de travail et de rémunération donne lieu, en règle générale, à des compromis. Il est vrai qu’il s’agit ici d’une augmentation salariale qui contraste avec les augmentations rachitiques et maigrichonnes qui se situaient entre 0% et 2,5% par année et qui ont eu pour effet d’appauvrir les salarié.e.s syndiqué.e.s du début des années quatre-vingt jusqu’à tout récemment. Ce ne sera par contre qu’en 2028 qu’il sera possible de constater si la rémunération de la prestation de travail a été supérieure ou inférieure à l’Indice des prix à la consommation (IPC). Tant et aussi longtemps que cette donnée demeure inconnue, il nous semble plus prudent de contenir les manifestations débordantes d’enthousiasme face à ce règlement.
Or, il est par contre vrai d’affirmer que le compromis négocié au sommet entre les porte-parole du Front commun intersyndical APTS-CSN-CSQ-FTQ et la présidente du Conseil du trésor, est supérieur aux pourcentages accordés aux salarié.e.s syndiqué.e.s depuis 1979. Mais ce pourcentage est très en deçà de ce qui a été donné aux député.e.s de l’Assemblée nationale (30% à la première année plus les paramètres applicables dans les secteurs public et parapublic) ainsi qu’aux policières et aux policiers de la Sûreté du Québec (entre 26% et 32,9% sur six ans). Il l’est également inférieur de 10% à ce qui vient d’être attribué aux cadres de Santé-Québec qui occupaient jadis des postes syndiqués.
Ce résultat de 17,4% minimum sur cinq ans doit être évalué, selon nous, en comparant ce qui est ou ce qui sera accordé à l’ensemble des personnes qui sont rémunérées par le gouvernement du Québec (environ 800 000 personnes). Il faut également mentionner que ce pourcentage de 17,4% sur cinq ans est inférieur à ce qui a été conclu dans certaines entreprises privées (voir à ce sujet certains règlements convenus dans les secteurs de l’hôtellerie, de l’aviation, etc.). De sorte qu’il est exagéré de poser l’entente conclue dans les SPP comme pouvant être une bougie d’allumage ou une source d’inspiration pour les salarié.e.s syndiqué.e.s dans d’autres secteurs. Les négociations syndicales autour du renouvellement des conventions collectives reposent, pour l’essentiel, sur le rapport des forces en présence lors d’une négociation. Il n’y a aucun déterminisme automatique à l’effet que les gains obtenus par certain.e.s salarié.e.s syndiqué.e.s d’un secteur donné seront automatiquement obtenus par d’autres. De plus, il y a belle lurette que les augmentations salariales négociées dans les SPP ne servent plus d’objectif à atteindre pour d’autres salarié.e.s syndiqué.e.s. Le rapport de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) est là pour nous rappeler amèrement et annuellement cette quasi-vérité d’évidence. L’époque de la locomotive des salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP est derrière nous depuis le début des années quatre-vingt du siècle dernier. Plus précisément, de triste mémoire, depuis la ronde des décrets de 1982-1983.
2.0 Front commun et organisations solitaires
On retiendra de cette ronde de négociation qui s’est échelonnée sur deux années, soit de 2022 à 2024, que nous étions en présence d’un Front commun intersyndical regroupant quatre organisations (CSN-CSQ-FTQ-APTS) et de quatre autres qui négociaient en solo (FAE, FIQ, SFPQ et SPGQ). Sur le côté syndical, il y avait par conséquent cinq stratégies, alors que du côté de l’employeur, voire le gouvernement du Québec, il n’y en avait qu’une seule pouvant donner lieu à des ajustements ponctuels. Le gouvernement était donc encore une fois en position pour régner et régler en divisant les troupes syndicales. Et c’est ce qu’il a fait.
Le gouvernement Legault a laissé la FAE conduire sa grève générale illimitée seule et sans fonds de défense pour ses membres. Il savait fort bien qu’il viendrait, tôt ou tard, à bout de cette résistance. Pour sa part, le Front commun intersyndical y est allé d’un certain nombre de journées de grève, sans véritablement paralyser d’une manière ininterrompue les services, tandis que la FIQ a choisi des arrêts de travail, mais dans le respect des services essentiels et quand est venu le temps d’un affrontement qui aurait pu être décisif, cette organisation s’est retrouvée seule, isolée et ses membres se sont vus interdire, par le Tribunal administratif du travail (TAT)[5], le droit de refuser le temps supplémentaire. Dès lors, les carottes étaient cuites pour cette organisation qui regroupe 80 000 membres dans le secteur de la santé, membres impatientes et impatients de mettre un terme à cet exercice long de plus de deux ans. Le temps était venu de passer à autre chose. L’attente d’une rétroactivité salariale, le versement de nouvelles primes et les nouvelles échéances en lien avec la réforme découlant du projet de loi 15 ont possiblement contribué à l’acceptation, par une faible majorité, de la proposition du conciliateur.
3.0 Un haut fait d’armes incontestable et un mystère persistant sur l’origine du compromis négocié…
Il y a un haut fait d’armes qui mérite d’être signalé ici. L’arrêt de travail des membres de six organisations syndicales suivantes : CSN-CSQ-FTQ-APTS, FAE et FIQ. À un certain moment en novembre 2023 (le 23 novembre plus précisément), plus d’un demi-million de syndiqué.e.s étaient en grève (570 000 environ). Il s’agissait d’un précédent dans l’histoire syndicale au Québec. Ce moyen de pression a probablement forcé l’équipe de négociation du gouvernement caquiste d’y aller d’un effort supplémentaire en vue de conclure un règlement négocié. Nous disons « probablement », car nous ne savons pas comment ce compromis négocié en face à face a été ultimement ficelé entre les parties. Il y a eu « probablement » une divergence de vues entre Sonia Lebel (Présidente du Conseil du trésor) et Éric Girard (ministre des Finances) sur la hauteur du prix à payer. Divergence de vues qui a pu être arbitrée par le premier ministre François Legault. Mais tout ceci n’est que pure conjecture et spéculation. Ce sont les porte-parole du Front commun et les membres du triumvirat gouvernemental qui peuvent lever le voile sur ce qui s’est réellement passé entre la mise à jour économique de novembre et le règlement de la fin décembre 2023. Qui est la personne (ou les personnes) qui est (ou sont) l’autrice ou l’auteur de ce règlement? Nous ne le savons toujours pas.
Quoi qu’il en soit, la grève n’aura pas été vaine pour les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP. Le Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS est parvenu à faire quasiment doubler l’offre initiale du gouvernement caquiste. Dans les faits, certain.e.s salarié.e.s syndiqué.e.s ont maintenant franchi la barre symbolique des 100 000$ par année, et ce depuis avril 2024, comme les enseignant.e.s et les infirmièr.e.s bachelières au sommet de l’échelle. Par contre, d’autres salarié.e.s syndiqué.e.s se retrouvent toujours sous la barre des 50 000$ par année. Il y a du « monde ordinaire »[6] qui a été négligé ou oublié ici.
4.0 De « (l’)Entente de principe » à la signature de la « Conventions collectives » au versement de la rétroactivité salariale
De « (l’)Entente de principe », à la signature de la « Convention collective »… au versement de la rétroactivité salariale, les délais d’attente peuvent être longs. La mise en application de nouvelles dispositions de la convention collective peut alors se faire attendre durant plusieurs mois. Ici, la partie patronale, lire le gouvernement, est tristement en position de force pour disposer de ses obligations contractuelles. C’est ce qu’ont appris les 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s dont environ 75% sont des femmes. Au gouvernement, à l’État-patron, la définition et l’imposition du calendrier du versement de la rétroactivité, des augmentations salariales, des primes, du recrutement des nouveaux effectifs, alouette… le tout devant s’insérer dans la machine toujours archaïque agissant au bouton à pressoir.
5.0 Du règlement au déficit au retour de l’ère de l’austérité
Aussitôt adoptée par certains groupes de salarié.e.s syndiqué.e.s, le premier ministre a imputé à l’entente négociée entre son gouvernement et les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP l’explosion du déficit de la province, maintenant établi à 11 milliards de dollars. C’est un peu court comme raisonnement, mais c’est ainsi que François Legault réfléchit. Il oublie volontairement que c’est lui, son ministre des Finances et les membres de son Conseil des ministres qui ont décidé en haut lieu de priver l’État de sources de revenus en accordant, entre autres choses, de généreuses baisses d’impôt à certains particuliers pas vraiment dans le besoin (pour être poli).
Au Québec, qui dit déficit dans les finances publiques dit également compressions budgétaires, gel des effectifs, dégradation des services, mesures d’austérité, rigueur budgétaire, etc… et c’est ce qui semble bel et bien en cours au moment où nous écrivons ces lignes dans l’administration publique, en éducation, en santé et dans certains organismes publics. De fait, des directives rigoureuses et rigides se mettent en place depuis quelques mois – et quelques jours – en santé et en éducation, le tout en vue de réduire dès la présente année le déficit. Plusieurs investissements dans les fournitures, les équipements sont reportés et un mot d’ordre de gel du recrutement externe est unilatéralement imposé dans certains établissements publics et parapublics par nul autre que la présidente du Conseil du trésor. Travailler pour la fonction publique, œuvrer dans les secteurs de la santé et de l’éducation, jusqu’à nouvel ordre, continuera à rimer pour certaines salarié.e.s syndiqué.e.s avec conditions de travail pénible et même pour certain.e.s avec une rémunération qui est inférieure à ce qui est versé pour de mêmes titres d’emploi dans les autres secteurs publics (gouvernement fédéral, municipalité, université) ou certaines entreprises privées. Les personnes qui s’imaginaient que le déficit annoncé serait absorbé par la marge de manœuvre annuelle du gouvernement se retrouvent aujourd’hui confondues ou en perte d‘équilibre. L’ère du néolibéralisme est toujours bien présente parmi nous. Ce néolibéralisme qui a donné lieu à de fortes manifestations d’indignation parmi les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP, inspire plus que jamais certains choix politiques au sommet de l’État. Où sont les surplus de l’inflation post-pandémie ? Est-ce dans la venue des Kings de Los Angeles à Québec, dans les études sur le troisième lien également dans la région de Québec, dans Northvolt ?
6.0 Réflexions critiques en marge de cette négociation
De cette ronde de négociation 2022-2024 il est permis de mentionner que le néolibéralisme, dans sa forme la plus primaire, ne passe plus maintenant aussi facilement au sein d’une frange importante de la population. Comprenons-nous bien. Cette idéologie a suscité des années quatre-vingt, du siècle dernier, jusqu’à aujourd’hui, de grandes manifestations d’opposition hélas pas trop souvent victorieuses pour le plus grand nombre. Nous constatons que la possibilité pour la classe dirigeante d’imposer les solutions qui relèvent de cette idéologie antisociale s’est érodée jusqu’à un certain point qui reste à préciser. Il y a une limite aux écarts de richesse qui ne cessent d’aller en s’accroissant. Des individus, de la classe économique dominante, s’arrogent en moins de deux jours l’équivalent du salaire industriel moyen, ce qui laisse aux autres, la majorité, une part de revenus qui n’est pas à la hauteur de leur prestation de travail ou de la valeur de leurs qualifications. Les personnes qui participent directement ou indirectement à la création de cette richesse collective ont droit à un revenu décent et à une stabilité à l’emploi. Il est trop, beaucoup trop élevé, le nombre de personnes qui ont un statut précaire dans les SPP et plus particulièrement dans le monde de l’enseignement (tous niveaux confondus). Et qui dit statut précaire dit également difficultés économiques. C’est principalement sinon uniquement lors du renouvellement des conventions collectives qu’il est possible pour les salarié.e.s syndiqué.e.s d’améliorer leurs conditions de travail et de rémunération. Qu’un groupe d’enseignant.e.s soit resté dans la rue plus de cinq semaines, cela dépasse l’entendement des personnes de bonne volonté. Comment en sommes-nous arrivés là? Probablement à cause de blocages découlant d’un aveuglement idéologique de la part du gouvernement. Il y a cinquante ans les 210 000 salarié.e.s syndiqué.e.s du Front commun intersyndical CEQ-CSN-FTQ étaient dans la rue. Il s’agissait d’un combat du type « les travailleurs (sic) contre l’État ». Cette fois-ci, ce à quoi nous avons assisté relève plutôt d’une logique en vertu de laquelle c’est l’État-patron qui voulait poursuivre sur sa lancée contre ses salarié.e.s syndiqué.e.s. Cette fois-ci, il a heurté un mur de résistance qui s’est solidifié avec le temps, mais ce mur de résistance n’a pas conduit les troupes syndicales sur une victoire historique.
6.1 La FAE
Il y a des syndiqué.e.s affilié.e.s à la FAE qui ont réalisé à l’occasion de la ronde de négociation 2022-2023 que le syndicalisme professionnel auquel elles et ils adhèrent et s’identifient doit lui aussi recourir, à l’occasion, à des moyens d’action un peu plus bruyants et un peu plus dérangeants pour faire entendre leur voix et faire valoir leurs revendications auprès de l’État-patron. Ce n’est pas en effectuant principalement du piquetage devant les seuls lieux de travail que les grévistes ont obtenu dans l’histoire de grands changements sociétaux. La lutte en appui aux revendications pour l’amélioration des conditions de travail et de rémunération d’une main-d’œuvre hautement qualifiée suppose, elle aussi (et surtout en raison du gouvernement caquiste qui fait de l’économie un dogme inébranlable et incontournable), un plan d’action qui s’appuie sur des manifestations qui ont pour effet de perturber la circulation des marchandises et de ralentir la circulation routière et éventuellement, qui sait, la réalisation d’autres coups d’éclat ou des gestes plus spectaculaires.
Jadis occupation qui comptait sur la vocation et surtout qui était très faiblement rémunérée, le métier d’enseignante et d’enseignant s’est au fil des ans professionnalisé. C’est surtout durant la période couverte entre les années soixante et surtout durant la décennie des années soixante-dix que les enseignant.e.s ont vu leurs émoluments croître et gagner en importance. La crise du début des années quatre-vingt a eu un effet dévastateur pour l’ensemble des salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP et en particulier celles et ceux de l’éducation. C’est à partir de ce moment que l’école publique va se voir mise à mal par les gouvernements qui se sont succédé à Québec. La masse salariale sera surveillée de près et mise sous pression. En règle générale, de la fin des années soixante-dix à aujourd’hui, les augmentations salariales ne dépasseront pas le taux d’inflation. De plus, d’une ronde de négociation à l’autre, l’État-patron va exiger d’inclure dans les conventions collectives (négociées ou décrétées) des mesures de flexibilité et de souplesse. C’est d’ailleurs exactement ce que le premier ministre François Legault a réclamé de la part des enseignant.e.s, toujours plus de « souplesse » et toujours plus de « flexibilité ». Comme si, par magie ou par enchantement, ces deux mots avaient le pouvoir de tout redresser ce qui s’est dégradé et détérioré par négligence délibérée ou par choix politiques de la part du gouvernement. Mentionnons que ces mesures dites de « souplesse » et de « flexibilité » ont parfois été imposées unilatéralement (pensons ici aux décrets-lois de 1982-1983 ou de 2005) ou elles ont été négociées dans un cadre où l’État-patron s’est donné un cadre législatif avantageux (réforme du régime de négociation en 1985, projet de loi 102 en 1993, réduction des coûts de main-d’œuvre en 1996-1997, projet de loi 100 en 2010, cadre budgétaire qualifié « (d’)immuable » par certains politiciens ou de « rigide » ou « d’austère » par les syndicalistes). Ces nouvelles dispositions de « souplesse » et de « flexibilité » apparaissaient en fin de négociation et étaient posées comme des mesures à inclure dans une supposément « Entente de principe » négociée par les parties, alors qu’il s’agissait de mesures imposées par l’État à un moment où la partie syndicale se retrouvait en fin de parcours, souvent le dos au mur.
En ce moment, il y a une pénurie d’enseignantes et d’enseignants en raison du fait que cette profession a été largement dévalorisée au cours des 40 dernières années. Voilà pourquoi ce milieu professionnel a été au fil du temps déserté. La pénurie de main-d’œuvre qu’on y retrouve s’explique également en partie par le fait qu’il s’agit d’une profession où les conditions d’exercice du métier sont particulièrement difficiles et où la permanence vient après de trop nombreuses années d’attente impatiente. Voilà un peu pourquoi il existe des difficultés réelles de recrutement dans ce lieu qui se spécialise dans l’instruction des connaissances de base, la transmission du savoir et la formation professionnelle. Pas étonnant que la rétention du personnel soit en chute libre dans ce secteur de l’activité sociale et culturelle qui doit apparaître en tout temps comme prioritaire pour un gouvernement[7]. Nous devons nous dire que ce n’est pas avec des mots creux, hérités du néolibéralisme (« flexibilité », « souplesse »), qu’il sera possible de juguler l’hémorragie qu’on observe chez les enseignant.e.s. Leur charge de travail doit être revue à la baisse. La composition de la classe doit faciliter les conditions d’exercice du métier de pédagogue et la précarité dans les statuts d’emploi doit être éradiquée. Il y a une limite à vouloir disposer d’une main-d’œuvre flexible, mobile, qui de surcroît n’a aucune véritable sécurité d’emploi et garantie de revenu. A-t-on oublié en haut lieu que les personnes qui veulent devenir enseignant.e.s s’endettent parfois énormément durant leur formation collégiale et universitaire?
6.2 Sur la manière de négocier du premier ministre Legault
Nous avons été en mesure de constater qu’il existe une manière de négocier à la François Legault. Il prétend que la solution aux problèmes mène à peu de mots-clés, comme « souplesse » et « flexibilité ». Tout au long du processus de négociation, il accuse les syndicats d’être à l’origine de tous les maux et de manquer d’ouverture. Il ajoute que les choses sont difficiles parce que les services publics sont administrés par les syndicats et non par les administrateurs et les administratrices. Et même en cours de négociation, il promet de nouveaux dépôts qui n’en sont pas vraiment par rapport au précédent. Bref, il s’organise pour gagner du temps. En cas d’arrêt de travail, il laisse pourrir la situation. Il fait des déclarations, durant le processus de négociation, qui lui sont dictées par ses conseillères et ses conseillers en communication, que cela soit vrai ou non. Tout au long du processus de négociation, il crée des illusions. Cette fois-ci, par contre, il a proposé un contrat de travail accompagné d’une hausse salariale qui dépassait le cadre du 2% par année fortement recommandé par la Banque du Canada depuis le début des années quatre-vingt-dix. Ce qui a eu pour effet d’en appâter plusieurs du côté syndical. Mais n’oublions pas qu’à terme, inévitablement, la voie privilégiée par le chef caquiste est celle du désenchantement et pour le moment le désenchantement est apparu, comme nous l’avons vu ci-haut, très vite, à très « court terme » même. Dans la joute politique, François Legault fait beaucoup dans la théâtralité non pas comique, mais plutôt sombre et dramatique.
6.3 Les clauses remorques
Nous maintenons que les salarié.e.s syndiqué.e.s des SPP ne sont plus à l’avant-garde de la lutte syndicale depuis la fin des années soixante-dix. Indépendamment de ce fait, il y a par contre certaines conventions collectives, dans les universités en particulier, qui sont accompagnées d’une clause remorque à ce qui sera conclu sur le plan salarial entre l’État employeur et les organisations syndicales des SPP (la « Politique salariale du gouvernement » [PSG pour les intimes]). Il serait de bon ton que les syndicats qui jouissent d’une telle clause, sans avoir à livrer bataille, versent une partie de leurs cotisations syndicales en don de solidarité à celles et ceux qui se mettent en grève sans avoir les moyens de se constituer un Fonds local de défense professionnelle digne de ce nom. Nous pensons plus particulièrement aux employé.E.s de soutien syndiqué.e.s dont les revenus sont encore inférieurs à 50 000$ par année. Ces syndiqué.e.s méritent d’être concrètement soutenu.e.s financièrement par-delà des messages écrits de solidarité, surtout quand elles et ils se mettent en grève pour elles-mêmes et eux-mêmes et par ricochet, pour d’autres.
6.4 Avant de conclure, un mot sur la grève en tant que moyen de pression et sur la durée des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic
Lors de cette ronde de négociation, le droit de grève, qui jouit pourtant d’une reconnaissance constitutionnelle au Canada depuis 2015, a été remis en question, surtout en éducation. D’un côté, des voix se sont élevées en vue de restreindre l’exercice de ce moyen de pression dans « l’intérêt des enfants » et de l’autre côté, un ex-porte-parole syndical y est allé d’une prédiction délirante à l’effet que ce moyen de pression était « brûlé pour les trente prochaines années ». De deux choses, l’une, nous vivons dans une société libre au sein de laquelle le travail est libre. Qui dit liberté ici, dit également le droit de refuser d’effectuer sa prestation de travail, surtout lors du renouvellement de la convention collective dont la durée s’étend maintenant sur une période de cinq ans. Ensuite, à l’opposé, le travail est obligatoire et doit être effectué d’une manière continue et ininterrompue; ce qui correspond à une forme nouvelle d’assujettissement ou de captivité. À une époque, pas trop lointaine, le gouvernement du Québec soutenait que ce qui nous distinguait des régimes totalitaires résidait dans la reconnaissance et l’exercice du droit de grève. Autre temps, autres mœurs.
Lors de l’imposition en 2005 des décrets dans les secteurs public et parapublic, le premier ministre de l’époque, Jean Charest, se vantait d’avoir modifié la durée des conventions collectives les faisant passer de trois à cinq ans. Depuis, les organisations syndicales réclament toujours en début de négociation un contrat de travail de trois ans. Avec l’entrée en vigueur de cette norme quinquennale, il n’y a eu qu’un seul contrat de travail de trois ans, soit celui de 2019 à 2022. Il faut croire que les deux parties ici, gouvernement et syndicats, trouvent leur compte dans une convention collective de cinq ans. Cela peut permettre autant du côté gouvernemental que syndical de la prévisibilité sur le plan budgétaire. Mais pour les salarié.e.s syndiqué.e.s, cela peut correspondre à un étirement dans le temps d’un mauvais traitement salarial.
6.5 Au sujet du RREGOP
Avec le temps des modifications qui ciblent des groupes particuliers ont été apportées au RREGOP. Ce régime comporte des dispositions de plus en plus spécifiques pour des personnes retraitées qui effectuent un retour au travail dans les SPP et des salarié.e.s sur la liste de rappel (à temps partiel), de plus de 69 ans. De plus, les personnes qui restent au travail après 69 ans ou 71 ans ne voient pas leur rente bonifiée, comme c’est le cas avec le Régime des rentes du Québec (8% par année, jusqu’à un maximum de 40%) ou le régime de la Sécurité de la vieillesse du Canada (6% par année, jusqu’à un maximum de 30%). Il s’agit là d’une situation qui s’apparente à un fromage emmenthal. Les trous ici s’avèrent par contre complètement indigestes, donc insoutenables et indéfendables.
6.6 Sur l’avenir du Front commun
Nous n’avons pas la possibilité de prédire l’avenir. Y aura-t-il d’autres fronts communs dans les SPP? Front commun partiel ou unitaire? Nul ne le sait, une chose par contre semble exclue : un Front commun à la base. Ce projet nous semble lointain en raison du fait que le syndicalisme qui se pratique aujourd’hui en est un qui est centralisé et bureaucratisé. Les appareils des organisations syndicales sont disponibles pour une certaine unité d’action et de revendications communes, mais pas trop intéressés à céder le contrôle de la négociation et de l’action à leurs membres à la base. Phénomène qui a pour non la « Loi d’airain de l’oligarchie ». N’oublions pas que c’est une élite oligarchique qui dirige les organisations syndicales.
7.0 Pour conclure…
Nous maintenons qu’il est toujours trop tôt pour effectuer un bilan final de la ronde de négociation 2022-2024 dans les SPP. Ce n’est qu’au terme de la nouvelle convention collective qu’il sera possible d’effectuer un tel exercice et de constater si le pouvoir d’achat a été pleinement protégé et si les écarts avec les salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs privés et autres secteurs publics ont été réduits, éliminés ou accrus.
Les « promesses » ministérielles de l’époque de la réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic de 1984-1985 se sont avérées correspondre à un miroir aux alouettes. Il n’y a jamais eu de « Nouvel équilibre » entre les parties qui négocie. Les dés ici sont pipés à l’avantage de l’État-patron qui préfère ajouter, année après année, aux effectifs plutôt que de rémunérer adéquatement la totalité de ses salarié.e.s syndiqué.e.s.
Il s’agit probablement ici d’un de nos derniers écrits sur les négociations dans ces secteurs de notre conflictualité sociale. Secteurs où la négociation collective est d’apparition récente (les années soixante du siècle dernier). Ce qui nous amène à un certain nombre d’observations à portée un peu plus abstraite.
7.1 Sur l’histoire…
L’histoire est une discipline tiraillée par différents courants d’analyses diamétralement opposés allant du déterminisme le plus rigide à la contingence la plus floue. L’histoire a donné lieu jusqu’à maintenant à de solides mouvements progressistes d’opposition victorieux, comme au triomphe de la réaction. Les réformes en faveur du plus grand nombre sont parfois suivies de retournements et de contre-réformes où les privilèges de la minorité possédante, dominante et dirigeante, se retrouvent rétablis. Bref, l’histoire se fait à travers des mouvements contradictoires et surtout de convulsions inévitables. Il arrive souvent que la personne qui se pose en historienne ou historien des événements ne soit qu’une observatrice ou un observateur externe de ces endroits où se dénouent les tensions. Dans ces circonstances, en tant qu’observatrice ou observateur de ces événements pour lesquels elle et il a nécessairement un parti-pris, ses possibilités d’errance et de divagation sont nombreuses. Les personnes qui proposent des analyses des négociations dans les SPP (et nous en sommes) ne maîtrisent pas toujours, hélas, la totalité des éléments qui font cette histoire. Il est donc possible ici d’en échapper plusieurs faits ou événements importants. Voilà un peu pourquoi il n’est possible que de dessiner un tableau partiel et partial de ces négociations, sans vraiment atteindre une vue d’ensemble des résultats significatifs. Qui, à partir de l’extérieur, peut prétendre être assuré d’un contact adéquat avec la réalité? Pas l’auteur des présentes lignes en tout cas.
7.2 Sur le triangle dramatique…
Il est souvent arrivé dans l’histoire des négociations dans les SPP qu’on observe deux moments complètement opposés : celui de la présentation aux membres d’une « Entente de principe » et celui de l’élaboration du « Cahier des demandes ». Voilà deux moments qui contrastent entre un moment quasi jubilatoire et un moment déprimant à souhait; un moment qui s’accompagne d’une invitation à adopter un supposément alléchant contrat de travail et un autre qui donne lieu à une dénonciation en règle de l’entente négociée par les porte-parole syndicaux et adoptée par les membres, car elle aurait contribué à l’appauvrissement des salarié.e.s syndiqué.e.s. Un phénomène qui a été conceptualisé en psychologie sous la notion de « Triangle dramatique » (victime, bourreau et sauveur). L’histoire des négociations dans les SPP nous illustre à merveille, jusqu’à maintenant, qu’il n’y a pas eu de « Sauveur suprême » ou de « Victoire finale » dans le camp syndical. Comment en effet supposer une telle tournure quand la solidarité n’y est plus, à part quelques slogans et l’action des personnes les plus impliquées, quand la mobilisation repose sur une poussée émotive éphémère et non sur des convictions ou des principes, quand l’autre est vu comme une compétitrice ou un compétiteur du monde du travail et non une alliée ou un allié, quand le monde syndical lui-même est divisé et non uni ?
L’histoire est possiblement un inépuisable mouvement de convulsions interminables, dont la finalité et la totalité de ce qui la compose nous échappent encore… Nous laissons maintenant à d’autres le soin de suivre, de commenter et de vaticiner, sur une base régulière ou périodique, cet aspect majeur de notre vie collective.
Yvan Perrier
Chargé de cours
Relations industrielles
Annexe I
Certaines questions à prendre en considération en vue de la production d’un bilan critique des négociations dans les secteurs public et parapublic[8]
Nous laissons dorénavant à d’autres le soin de couvrir les grands aspects des négociations dans les secteurs public et parapublic. Nous entendons ici tout ce qui s’est produit durant la période allant de « La Reine ne négocie pas avec ses sujets » à aujourd’hui et qui est en lien avec ce qui est énuméré ou mentionné dans les prochains paragraphes.
Le secteur public et parapublic au Québec est un lieu au sein duquel se pratique un syndicalisme incontestablement féministe, mais inévitablement, également, corporatiste puisque ce syndicalisme porte des revendications en lien avec le salaire et le monétaire. Il s’agit donc d’un lieu où se posera nécessairement la question de l’équité salariale et également de la relativité salariale. Il y est également question d’enjeux en lien avec la Question des femmes.
Dans cette histoire des négociations dans les secteurs public et parapublic il y a eu, au départ, la réforme du régime de négociation en 1964-1965 et les six premières rondes de négociation (époque qui a vu surgir la notion de « Psychodrame social triennal »). Ensuite, l’adhésion des membres de la classe dirigeante au néolibéralisme et la ronde dramatique de la non-négociation de 1982-1983. La réforme du régime de négociation en 1984-1985 et les 14 rondes qui ont suivi ont été fortement marquées par la lutte prioritaire du gouvernement à l’inflation, la crise des finances publiques et la lutte au déficit budgétaire. Il y a eu, depuis les années quatre-vingt-dix, l’imposition d’un maximum d’accroissement de 2% par année de la masse salariale (alignement fortement suggéré par la Banque du Canada en vue de contenir l’inflation dans une fourchette cible [entre 1 et 3% par année]).
Qu’en est-il de la question des alliances intersyndicales (Front commun ou non) lors des négociations? Des moyens d’action du côté syndical? Des déclarations ministérielles qui ont pour effet de discréditer les revendications syndicales (« les Gras durs », « nos Anges gardiens », « les Bons à rien »)?
Qu’en est-il de la position des acteurs suivants : les partis d’opposition durant ces négociations; les éditorialistes; la couverture médiatique des années 1970 à aujourd’hui (une couverture de plus en plus diluée et superficielle spécialement à l’ère des médias sociaux et des plates-formes de diffusion électronique; les liens entre les organisations syndicales et les organisations de la société civile; les sondages d’opinion publique)?
Qu’en est-il des aspects suivants lors de ces rondes de négociation : les dossiers syndicaux de préparation de la négociation et des demandes? Les moyens de pression (la grève / la menace au recours à une loi spéciale)? L’Entente de principe? La présentation du résultat de la négociation en lien avec les gains / les pertes; comment apprécier les gains de la présente ronde de négociation? L’adhésion ou non des membres aux ententes de principe? La poursuite de la négociation avec les syndicats qui ont rejeté l’Entente de principe? Les résultats : la valeur de la force de travail; la protection du pouvoir d’achat; la durée du contrat de travail (3 ans, 5 ans ou plus?); la précarité (en croissance ou en régression?); la privatisation ou non des services? Qui a gagné (l’État-patron ou la partie syndicale?); qu’en sera-t-il de la qualité et de la quantité des services à la population? Qu’en sera-t-il des conditions d’exercice et de pratique dans les secteurs public et parapublic? Qu’adviendra-t-il des problèmes de pénurie? D’attraction, de recrutement et de rétention du personnel? Qu’en sera-t-il également de la concurrence en provenance des agences de placement dans le réseau de la santé?
Que dire au sujet de la lenteur des négociations avec les syndicats du Nord-du-Québec?
Une fois la négociation terminée, comment l’État-patron applique-t-il les dispositions du contrat de travail? Avec diligence et célérité ou en se traînant les pieds et en prenant tout son temps?
Etc.
Manifestement, tout se meut, rien n’est jamais acquis une bonne fois pour toutes surtout dans le champ des relations de travail et des rapports collectifs de travail…
Annexe II
Sur deux citations à méditer dans le cadre d’une démarche critique
La première :
« […] beaucoup de nos citoyens qui n’acceptent pas de voir le gouvernement négocier des conventions collectives puisqu’il devrait, au nom de l’intérêt public, décréter quelles devraient être les conditions de travail de ses employés. Mais nous ne souscrivons pas à cette opinion, d’abord parce que, en s’astreignant à négocier des conventions collectives, le gouvernement a ainsi permis à ses employés de faire entendre leurs voix, car il est toujours tentant pour un gouvernement d’annoncer de nouveaux programmes, d’annoncer de nouvelles activités et de nouvelles subventions et même d’en arriver peut-être à oublier de rémunérer correctement ses employés, et c’est ce qu’on a connu pendant des années où les employés du secteur public étaient les plus mal payés de la société. Ils devaient consacrer leur vie à l’éducation, à soigner la population et, néanmoins, nos gouvernements, dans le passé, ne respectaient pas leur dévouement à notre service et ne les payaient pas un salaire décent. »
4307
Yves Bérubé
Québec (province). Assemblée nationale : Journal des débats. Troisième session – 32e Législature, Vol. 26 No 68. 7 juin 1982.
La deuxième :
« [65]
[…]
Dans Re British Columbia Railway Co. and General Truck Drivers and Helpers Union, Local No. 31 (non publiée, le 1er juin 1976), le président Owen Shime a exposé ce que l’on considère maintenant comme les six critères pour évaluer l’équité des règlements salariaux des employés du secteur public régis par des conventions collectives. La liste des considérations qu’il a dressée, résumée dans Workplace Health, Safety and Compensation Commission (Re), [2005] N.B.L.E.B.D. No. 60 (QL), comprenait les critères suivants qui sont particulièrement pertinents en l’espèce :
[traduction] [l]es employés du secteur public ne devraient pas être tenus de subventionner la collectivité ou le secteur d’activité dans lequel ils travaillent en acceptant des salaires et des conditions de travail médiocres. [. . .] [t]out compte fait, si la collectivité a besoin d’un service public et l’exige, ses membres doivent assumer ce qu’il en coûte nécessairement pour offrir des salaires justes et équitables et ne pas s’attendre à ce que les employés subventionnent le service en acceptant des salaires médiocres. S’il est nécessaire d’économiser pour atténuer le fardeau fiscal, il faudrait le faire en réduisant certains éléments du service offert, plutôt qu’en réduisant les salaires et les conditions de travail.
[. . .]
. . . Il faut prendre en compte les taux de rémunération des travailleurs qui accomplissent les tâches similaires dans d’autres domaines d’activité, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Quelles comparaisons peuvent être faites avec ce qui existe dans d’autres secteurs de l’économie? [. . .] [q]uelles tendances peut‑on observer dans des emplois semblables dans les entreprises du secteur privé? [par. 26]
[…]
[67] La Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT) peut également nous éclairer sur cette question. Selon la Commission, même en pleine crise financière, il y a des limites aux restrictions que les gouvernements peuvent imposer aux salaires du secteur public qui font l’objet de conventions collectives (Bureau international du Travail, La négociation collective dans la fonction publique : Un chemin à suivre (Conférence internationale du Travail, 102e session, 2013), p. 132‑133). Fait important également, l’OIT a reconnu un principe général selon lequel « les limitations à la négociation collective de la part des autorités publiques devraient être précédées de consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs en vue de rechercher l’accord des parties » (La liberté syndicale : Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT (5e éd. (rév.) 2006, par. 999).
La juge Abella
Robert Meredith et Brian Roach c. Procureur général du Canada. [2015] 1 R.C.S., p. 65 et 67.
[1] Le taux de participation à ce vote s’élevait à environ 75%.
[2] https://www.pressegauche.org/La-7e-ronde-de-negociation-de-1985-1986-Texte-11?var_mode=calcul; https://www.pressegauche.org/Regime-de-negociation-factice-et-services-essentiels-de-1985-1986-a-1999. Consulté le 2 novembre 2024.
[3] https://secteurpublic.quebec/version-complete-des-details-sur-lentente-de-principe/. Consulté le 2 novembre 2024.
[4] Les demandes syndicales peuvent être consultées sur les sites suivants : https://www.frontcommun.org/communique-font-commun-depose-revendications/;
https://www.lafae.qc.ca/public/file/communique-FAE-depot-demandes-syndicales.pdf;
http://affilies.fiqsante.qc.ca/cantons-de-lest/dossier/negociation-nationale/ ;https://www.sfpq.qc.ca/nouvelles/2023-03-28-les-fonctionnaires-deposent-leurs-demandes-syndicales/ et https://spgq.qc.ca/wp-content/uploads/2024/04/ARQ_Nego2024_Cahier-de-demandes_2024-02-21.pdf.
[5] https://www.tat.gouv.qc.ca/uploads/tat_registres/1382156.pdf. Consulté le 2 novembre 2024.
[6] Allusion au slogan « Nous le monde ordinaire » du premier Front commun de la ronde de négociation de 1971-1972.
[7] Remarque en marge ici : que vaut l’éducation aux yeux de nos gouvernements actuels ? Si l’intention est de créer seulement des travailleur.euse.s, pourquoi ne pas modifier en conséquence l’orientation même de l’enseignement de façon à fournir en série la main-d’oeuvre désirée par les entreprises. Pourquoi ne pas compartimenter dès le primaire les groupes d’élèves en les orientant vers leur travail de demain, ce qui éliminerait les décrochages et les mèneraient plus rapidement sur le marché du travail, au grand plaisir de certaines personnes incapables d’avoir une vision pertinente de l’instruction et de l’éducation. Mais est-ce vraiment cette vision réductrice et utilitariste qui doit être privilégiée pour l’avenir ? Est-ce que l’État s’est détourné de sa voie d’être, étant à ce point obnubilé par l’économie ? Ne veut-il plus de citoyen.ne.s instruit.e.s et complet.ète.s ? En tuant la vocation d’enseignant.e, il n’est plus question d’intégrer les jeunes dans la vie sociale, collective et politique, mais simplement de les faire entrer dans le marché, dans le monde du travail. Si cela est véritablement l’intention désirée, alors faisons seulement de la population des travailleur.euse.s ignares du monde et de sa complexité ! Des êtres qui se foutent de la politique (c’est déjà bien commencé), qui ne voient aucun intérêt à leur rôle d’électeur.trice.s ! Mais, pour notre part, ce n’est surtout pas ce que nous souhaitons ou voulons.
[8] Voir également les deux textes suivants : https://www.pressegauche.org/Vingt-questions-aux-porte-parole-du-Front-commun-intersyndical-CSN-CSQ-FTQ-APTS. ; https://www.pressegauche.org/Premiers-elements-en-vue-d-un-bilan-sous-la-forme-d-une-entrevue-avec-L-Etoile. Consulté le 3 novembre 2024.
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